16 mai 2011

Sur Un balcon en forêt de Julien Gracq, José Corti, 17 euros

Il y a les proses de Julien Gracq, pleines de lieux, de moments, qui sont les phrases, comme des soirs, où vivent des éclairs, où tout se prolonge, les paysages précis et secrets : qui sont les phrases et dans les phrases ; dans ces lieux viennent incessamment, savoureusement, étonnamment ses images, « ainsi des portes claquées à toute volée réveillèrent les échos de la clairière dans un fracas d’attaque de diligence. » (Un balcon en forêt, p. 62). Sont des îlots de grâce :

(…) comme il arrivait à sa hauteur, Grange aperçut sous le capuchon qui se levait vers lui deux yeux d’un bleu cru, acide et tiède comme le dégel - au fond du capuchon, comme au font d’une crèche, on voyait une paille douce de cheveux blonds.

- C’est m-mouillé, votre forêt, ooh là là ! fit une voix fraîche et brusquette, pendant

que le capuchon s’ébrouait avec le sans-gêne d’un jeune chien et aspergeait Grange - puis soudain le menton se leva avec une gentillesse tendre et tendit le visage nu à la pluie comme à une bouche, pendant que les yeux riaient.

- C’est mieux qu’on revienne ensemble, reprit-elle d’une voix qui ne le consultait mie.

C’est plus gai !

Et elle se mit à rire de nouveau, de son rire de pluie fraîche. Maintenant qu’il l’avait rejointe, elle marchait à côté de lui d’un bon pas. Grange la regardait quelquefois à la dérobée ; derrière le bord du capuchon il ne voyait que le nez et la bouche, tout vernissés d’eau, que le court menton buté tendait à la pluie, mais il était remué de la sentir auprès de lui, jeune et saine, souple comme un faon, dans la bonne odeur de laine mouillée. (Un balcon en forêt, p. 55-56.)

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