30 août 2011

Caeiro.Pessoa in"poèmes désassemblés"

L'EFFARANTE RÉALITÉ DES CHOSES
EST MA DÉCOUVERTE DE TOUS LES JOURS
CHAQUE CHOSE EST CE QU'ELLE EST,
ET IL EST DIFFICILE D'EXPLIQUER COMBIEN CELA ME RÉJOUIT
ET COMBIEN CELA ME SUFFIT

IL SUFFIT D'EXISTER POUR ÊTRE COMPLET

10 août 2011

KANT ET LA PETITE ROBE ROUGE de LAMIA BERRADA-BERCA, aux Editions La Cheminante, 101 pages, 6 €


Texte intimiste, Kant et la petite robe rouge parle d’une jeune femme

musulmane qui vit dans la banlieue parisienne. Vie réglée, mariage arrangé, de

noir vêtue des pieds à la tête, elle sort uniquement pour faire ses courses et

chercher sa petite fille à l’école.

Un jour, elle voit dans une vitrine une robe rouge magnifique et elle en éprouve alors du désir. Rien n’est plus futile, rien ne semble pour elle plus condamnable que ce désir et pourtant cette robe va lui permettre peu à peu de réfléchir à ce qu’est sa vie.

Elle regarde son mari et pour la première fois elle le voit. Elle lui prépare son déjeuner, son dîner, se couche près de lui. Lui, ne lui parle pas, ne le regarde pas. Et s’il l’honore régulièrement, il ne se préoccupe ni de ses sentiments, encore moins de ses aspirations. Elle se souvient alors du geste de sa grand-mère au moment de son mariage, caresse furtive sur sa joue, pleine de douceur et de tristesse, geste d’une vieille femme qui sait que sa jeune petite fille, par cette cérémonie, dit adieu à la vie.

Ce désir de robe devient fissure, blessure cuisante. Elle va souvent voir la robe rouge interdite et puis la montre à sa fille. Pour elle commence ainsi une interrogation sur sa relation à son enfant, sur l’exemple de soumission qu’elle lui donne, image d’une féminité « pécheresse » qu’elle refuse tout au fond.

Finesse de l’écriture, délicatesse des sentiments de cette femme qui se parle.

Elle dit que l’acte de mariage ressemble à un interrogatoire très neutre, qu’elle a perdu son corps, et donc son chemin c’est d’essayer d’aller vers cette robe à laquelle tant d’interdits font obstacle.

Un jour, elle voit un jeune garçon déposer un livre devant la porte de son voisin. Le livre reste là plusieurs jours alors elle se dit qu’il est là pour elle et le prend. Ne sachant pas lire, elle demande à sa fille de le lui déchiffrer à haute voix. Il s’agit d’un ouvrage d’Emmanuel Kant. Elles vont chercher un dictionnaire, et traduisent comme dans une langue étrangère le texte de Kant sur les lumières et sur la liberté. Beaux moments entre la mère et la fille, secrets partagés.

Le philosophe écrit : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement. » et les aidera à prendre leur destin en main.

Plus tard elle remettra le livre à sa place « elle n’en a plus besoin, il a joué son rôle ».

Elle finit par acheter la robe et la porter.

« Une robe est une forme d’idée.

Une vision du monde.

Un grand désir d’être.

Une façon d’exprimer sa liberté à même le corps : voilà ce que cette robe, au tissu si différent du gros drap grossier de tergal qui l’enveloppe habituellement, incarne aux yeux de la jeune femme.

Mais encore faut-il la porter… la liberté ne se range pas au placard, elle s’affiche. »

Beau livre à l’écriture sensible et fine.

Publié par un nouvel éditeur : La Cheminante, 9-11 rue Errepira 64500 Ciboure

(tel/fax : 05 59 47 63 06)

dont les couvertures s’ornent de photos magnifiques.

P de B