Un peuple
Stéphane Bouquet
Champ Vallon, 12 €
Je passe mon été aux côtés de Stéphane Bouquet qui ne le
sait sûrement pas. Nos Amériques, Les
Amours suivants, Les oiseaux favorables posés près de mon lit, sur une table de chevet
qui est un tabouret de cuisine. Aujourd’hui, j’ai envie de parler d’Un peuple, assemblée de poètes anglais,
américains, grecs, portugais, allemands, latins qui surgissent et
disparaissent, ricochent et échouent un moment entre les pages du livre.
« Je deviens le
simple reflet de tout un monde prononcé jadis . »
Walt Whitman, vieil
homme barbu, assis devant un fleuve, Henry David Thoreau, les manches retroussées,… fait le tour de
l’étang, Wallace Stevens, tranquille
et cravaté, Emily Dickinson, Virginia Woolf et Mrs Dalloway, Quentin Compson, Fernando Pessoa, John Keats…
Stéphane Bouquet
parle de ce peuple de poètes qui l’émeut, le touche au sens propre comme
au sens figuré, c’est toujours de lui
dont il parle et du désir qui constitue le cœur de ses livres, de la mort, de la
mélancolie quand celle-ci est l’enfant de Saturne. Fragment de Sapho qui chante
…chevrier… désir…
sueur…
rose…
rose…
…je dis…
texte que le temps a tronqué mais qui dit « juste »,
comme une note est juste,
l’amour, le désir, le corps…
« Ainsi une
anthologie offre des possibilités multiples d’intersections »,
Stéphane Bouquet nous mène de l’un à l’autre pour revenir ensuite et nous le
suivons ébloui, dans ce cimetière.
« Il se demande
ce qu’est la poésie. Il se sert dans les morts pour élaborer des réponses. »
Entre les tombes, des poèmes qui parlent « des choses qui passent, du grand défilé
interminable. »
« Un
peuple : il vient de se glisser tout entier sous la couette
pour se protéger du
froid, qu’est-ce que ?
est la question du
contact de coton
blanc des draps sur le
visage… »
Pour finir, Keats, « mon ami très cher » qui fit
inscrire sur sa tombe :
Here lies one whose
name was written on water / Ci-gît quelqu’un dont le nom fut écrit sur de
l’eau et Stéphane Bouquet conclut : « D’une certaine façon, un être est un jeu passager de la lumière et du
courant, ensuite il rejoint l’eau anonyme, ensuite se réalise le cher vœu
keatsien, notre cher vœu commun :
to fade away, to dissolve, s’effacer, s’évanouir. »
Un livre qui ouvre la porte d’une bibliothèque qui n’attend
plus que nous…
Catherine Tourné