8 mai 2011

Sur Ostinato de Louis-René des Forêts, Mercure de France, 1997, 14, 80 euros, Gallimard, collection L’imaginaire, 8,50 euros

La phrase d’Ostinato, disant les premiers mots, disant les mots, ne finit jamais ; le début d’Ostinato ne s’arrête pas à la suite d’Ostinato, et se suffit et suffit à la suite du livre ; les phrases d’Ostinato sont longues à s’enfoncer dans des transparences ou nuits, disparaître et, obstinément, aveuglément, ne pas finir ; les deux derniers livres de Louis-René des Forêts (Ostinato et Pas à pas jusqu’au dernier) sont transparents avant les autres et après les autres ; c’est l’obscurité, la lumière, la transparence, au commencement de la lumière :

Le gris argent du matin, l’architecture des arbres perdus dans l’essaim de leurs feuilles.

Le parcours du soleil, son apogée, son déclin triomphal.

La colère des tempêtes, la pluie chaude qui saute de pierre en pierres et parfume les prairies.

Le rire des enfants déboulant sur la meule ou jouant le soir autour d’une bougie à garder leur paume ouverte le plus longtemps sur la flamme.

Les craquements nocturnes de la peur.

Le goût des mûres cueillies au fourré où l’on se cache et qui fondent en eaux noires aux deux coins de la bouche.

La rude voix de l’océan étouffé par la hauteur des murailles.

Les caresses pénétrantes qui flattent l’enfance sans entamer sa candeur.

Dès la seconde phrase, ou encore la première, tout commence et est si vite et si peu vite achevé. Dans l’émission d’Un siècle d’écrivains qui lui est consacrée, des Forêts lit tout ce début d’Ostinato, (notre citation, jusqu’à celle ci-dessous) sur des feuilles dactylographiés, il va, il marche, il prononce, et non seulement il dit, il chante de sa voix, ses accents.

Ce ne sont ici que figures de hasard, manières de traces, fuyantes lignes de vie, faux reflets et signes douteux que la langue en quête d’un foyer a inscrits comme par fraude et du dehors sans en faire la preuve ni en creuser le fond, taillant dans le corps obscurci de la mémoire la part la plus élémentaire - couleurs, odeurs, rumeurs -, tout ce qui respire à ciel ouvert dans la vérité d’une fable et redoute les profondeurs.

Voici la profondeur des longues phrases, le ciel couvert et découvert.

J’ E