23 avril 2011

Amitié étroite, de Bastien Vivès, chez KSTR, 2009, 16 euros








Bastien Vivès, toujours et de nouveau et de la plus belle façon, explore la matière du dessin de bande dessinée, invention graphique et pourtant sobriété et en somme maturité, construit ses récits pour leurs dialogues, amicaux, amoureux, pour le dessin de ses personnages, ainsi Dans mes yeux (même année, même éditeur, même prix) situe le narrateur lui-même (pourtant qu’on ne voit jamais puisqu’en somme i dessine) devant une jeune femme, ils se parlent, se répondent : on voit elle ; Amitié étroite (la couverture, image 1, déjà mêle les deux mots) est le de deux amis, elle et lui, qui ont des aventures amoureuses chacune et chacun, dont ils se parlent ; mais, leur amitié est leur amour, il arrive qu’ils font leur amour, dans des pages de vraie beauté érotique, puis continuent (de la dernière page) leurs vies sentimentales séparées, pourtant ce n’est pas sûr.

L’image 2 dit leur amitié, « ça va aller ? », et dessine leur sentiment ondeurs sans traits, courbes qui elles aussi se regardent, sont eux.


Image 3 : « je suis super heureuse pour toi » (dans l’amitié je ne peux pas te dire si, aussi, je suis jalouse). Les 4e et 5e images sont les lignes, les courbes, les couleurs, le sourire de leur étreinte (image 5, ce merveilleux sourire, merveilleuse brève ligne de blancheur qui entre dans le blanc de la page, mais il n’y a plus le blanc de la page d’avant le récit, cette ligne blanche est un silence dans le silence du dessin.)







J’acques Estager




3 avril 2011

La rumeur, de Philippe Renaut, scénariste, et David Barou au dessin ; La boîte à bulles, 2008, 12 euros 80









Là, vêtu de noir, chapeau haut de forme, quelqu’un marche seul une route, puis une rue (image 1) ; sans un mot tout le long du récit, jusqu’à la falaise (image 4) ; la bande dessinée suit le cheminement du personnage principal (et seul), dans le continu du décor et des paroles et paroles et paroles, tout au long des pages à l’italienne, le personnage y étant redessiné un peu plus loin et encore ; d’autres au fur et à mesure se joignent à lui, ou le quittent, tout le monde est redessiné dans le même décor : et d’où vient-il, où va-t-il ? ;

lui ne parle à personne et ne voit personne, il n’est qu’un dessin ; mais autour de lui, tout le monde s’en inquiète, l’apostrophe, et l’imagine, est dessiné et se déplace au haut et au bas dans la suite de l’image les gens et leurs lieux : sans cesse le groupe s’agrandit des gens qui suivent l’homme providentiel, le politicien haï (image 2); tout le monde parle sauf lui, sauf le décor, et un vide grandissant des paroles, de la parole (« la situation est si grave que çà », images 3) ;
enfin, au devant de la foule, celui qui n’a rien dit mais qu’on croyait écouter saute du haut de la falaise. Le dessin suit un seul et même plan, mais avec des mouvements presque imperceptibles, et immobiles, de la « caméra »; dans un même décor, le film d’une « longue marche », le récit place sa suite de cases invisibles, disant et illustrant (et dans le format à l’italienne) la même on dirait monotone même scène ; mais il y a les invisibles cases, les scènes au haut et au bas du dessin, cases annexes, où on peut venir et lire, s’installer, d’où revenir dans la suite ininterrompue et interrompue de la bande : les immobilités de la bd (ici une même case, suite de cases, suite de cases annexes…), nos allées et retours de lecture, sont le mouvement, l’image et le mouvement, le dessin dans les bulles et le silence et le dessin des paroles.
Après le blanc d’avant le récit, après le blanc et le noir des bulles, le noir sous la falaise, (disparition du personnage noir, inconnu, dans le noir) (images 4 )
J’acques Estager