31 janvier 2011

Jean-Paul Krassinsky est l'auteur de Le singe qui aimait les fleurs, c'est inoui. Cette bande dessinée a été éditée en 2007 par Dargaud, collection



Jean-Paul Krassinsky est l'auteur de Le singe qui aimait les fleurs, c'est inoui. Cette bande dessinée a été éditée en 2007 par Dargaud, collection « Poisson Pilote »




Depuis, il a composé entre autres Les fables de la poubelle (même lieu). Monde cruel, sordide, humain; yeux humains, y compris des insectes; cependant, le début et la fin du récit sont sous le signe de la légèreté (sûrement la grâce, la finesse du trait lui-même du dessin de Krassinsky) : première page avec la grande case, la longue case de paysage : paysage et papillon, courbe du chemin et courbe fine du vol du papillon... (image 1); dernière page : dessin allégé, camaïeu de jaune, papillon jaune dans le blanc d'après le récit (image 2).




Image 3 : monde cruel; petites tragédies de la nature. La placidité de l'animal dévorant un insecte, conscience tranquille des gros qui mangent les petits, et qui ne pensent pas qu'à leur tour, qui sait, ce monde tranquille de la nature et de la mort va les dévorer, sans penser à mal; ou en pensant à mal, comme dans l'humanité.


J'acques Estager

21 janvier 2011

Une bande dessinée:Blood Song: une ballade silencieuse par Erik Drooker, éditions Tanibis, 2010






un voyage dessiné dans une suite de cases, chacune une planche, chacune une image comme un tableau; sans texte, et pour fil conducteur le silence des cadres tous pareils d'images dont la beauté nous arrête, et qui nous disent de regarder plus loin dedans et plus avant; le récit commence et finit par le dessin d'une galaxie, s'achève après la balade solitaire de l'humaine et de l'animal, à New York, dans la violence, et l'amour pendant la violence : univers noir et bleu, et dans la ville-violence des jaillissement de couleurs, et c'est pendant le silence de l'univers.
Image 1 : suite de deux cases, comme une seule, comme déjà, à droite, les suivantes.
L'image 2 est un bel exemple d'arrêt sur suite d'images : le voyage à gauche s'arrête un moment, case du chien qui regarde l'eau, l'avant, et repart avec la fille (et tous deux repartiront) à droite et vers la droite.
Image 3 : le tumulte et le trouble envahissent d'en bas, comme pour effacer les personnages, les 2 images comme une seule

; mais au haut le chanteur lance un cri en couleurs déjà le dessin en rondeur, de l'enfant ou de la galaxie. Plus tard l'enfant né de la rencontre, image 4, lance le chant coloré bien au-delà du cadre rigide; à gauche, la mère et l'enfant étaient sans « case », dans seulemen
t une lumière, puis le récit a repris mais dans un cri... universel.
J'acques Estager

2 janvier 2011

Même pas de Claudine Bohi, éditions Le bruit des autres, déc. 2009, 112 pages, 12 Eurs.


Un livre de rupture tranchant avec les précédents. Un livre de deuil, le livre de l’absence

vient cette main

qui se tient

absente

ne vient pas

du vide insupportable à vivre

vivre sans

c’est possible

possiblement pas

La citation de Claude Ber mise en exergue

j’ai fait un effort de clarté comme

sachant qu’il allait falloir aller dans la plus grande nuit

qu’il allait falloir accompagner la traversée de la plus grande nuit

donne espoir d’une éclaircie. Or, point d’éclaircie dans ces textes aux vers ramassés, comme recroquevillés sur eux-mêmes, traces de larmes sur le papier (même si

pas pleurer

pas parler

se taire à oublier

assemblés en sept courtes parties, séparées les unes des autres par une page blanche, un besoin de pause, de silence, parmi ces mots pourtant rares, mais bâillonnés

il y a un bâillon

à l’intérieur

du sens

aux

phrases perdues

égarées

éparpillées

et

cassées bancales

très impossibles

Seul mais

très en dessous très bas

un bleu pourtant

en dehors

et venu par où ?

La couverture aurait dû porter en titre : Même pas, suivi de On n’en peut plus, tant l’écart formel mais non de fond est énorme entre les deux textes qui composent ce recueil.

Dans On n’en peut plus, sur 26 pages, la parole reprend sa place, toute sa place, commençant presque en douceur, par un texte de 14 vers courts de 6 à 10 syllabes, mais qui pose d’entrée la situation :

on a la nuit entre les deux

le bleu gommé partout introuvable

on cherche encore avec les yeux (…)

pour finir sur les dernières pages presque débordant du cadre, et en arriver à ce constat :

on n’en peut plus du tout on n’en peut vraiment plus.

Entre les deux, un flot ininterrompu, même si la mise en forme donne à lire un poème par page, disant le chagrin de vivre

où est né ce chagrin on ne sait pas d’où

il vient (…)

le faux-semblant de vivre

(…) on grelotte

sans cesse mais ça ne se voit pas on peut

encore sourire ne rien montrer on fait

semblant (…)

l’impossible lien à l’autre

on est séparé on est seul on a beau se cherche

se trouver se coller rapprochés emmêlés se prendre

l’un dans l’autre on est séparé toujours on sent

la différence la frontière chacun son territoire (…)

Texte sombre s’il en est, désespérant de l’espèce humaine, de l’humaine condition. Là encore, point de clarté. Mais texte lumineux dans son rythme, sa construction même, où le vers rompt la phrase, obligeant à poser, à recomposer le texte, le flot de paroles, donc à se rendre attentif. Un texte à dire à voix haute, dont un(e) comédien(ne) devrait un jour s’emparer, pour en restituer toute la force contenue.

Et l’on se dit que dans cette nuit

Oubliée

sur sa corde

séchant

dans ce noir

si fort partout

dans ce silence dans lequel

on ne cherche pas de réponse on n’en demande

plus

c’est l’écriture même qui est cet effort de clarté visé, espéré par la poète.

L’écriture qui seule permet de dire la douleur, le gouffre, puisque

vivre

est ce trou

Jacques Fournier