20 mai 2012

Me resigner au monde, Edward Stachura, Solin Editeur

Pour E.Stachura chaque instant de la vie était si rempli de signification que toute tentative de résumer eut été sacrilège.
" J'ai toujours répugné, écrivit-il, lorsqu'on lui demanda de rédiger une notice autobiographique pour son roman ( Toute la clarté), à rédiger une biographie sous la forme la plus répandue et la plus demandée, mettant en relief les événements de mon existence. Cette répugnance est sans doute due au fait que je perçois l'inconvenance du résumé face à ce qu'on ne peut résumer: des nuits et des jours entiers, de semaines et des mois, des années.l'inconvenance du sec face au liquide, du lit asséché des expressions laconiques et des clichés ( c'est moi qui souligne) face aux torrents impétueux de lumière, d'ombre, d'eau et de sang ardent. Si j'avais à écrire ma propre biographie sous la forme qui me répugne le moins, j'aimerais écrire: " Je suis né dans le Dauphiné en août 1937..."
Il est déjà un écrivain affirmé. Suite à un gravissime accident ( il se fait écraser par une locomotive)
il retourne  en convalescence chez sa mère  dans la profonde campagne polonaise. Lapins, jardins, travail, religion, rythmes de la survie. Il cherche à se reconstruire. Il faut que je retrouve les morceaux de moi-même.
Je n'étais pas brouillé avec ma famille. Seulement avec mon père, autrefois il y a longtemps. Je n'étais brouillé ni avec ma mère, ni avec mes frères, ni avec ma soeur. Je les avais quittés parce que j'avais choisi d'être orphelin. ( C'est moi qui souligne)


Je dis à maman que j'ai l'impression d'aller un peu mieux...Maman me dit: " Edzio après une chose pareille tu dois te remettre progressivement. Un malheur est vite arrivé, mais le bonheur lui n'est jamais pressé." 
J'ai été crucifié.
Cet hôpital est un enfer. Je ne vais pas résister. Ils vont me faire mourir avec leurs piqures. Je ne disais rien...J'allais et venais comme dans un cimetière vivant, et je ne me sentais ni vivant ni mort. J'ai encore cette sensation. Plus exactement, j'ai la sensation d'être vivant sans l'être. Ou encore d'être mort sans l'être.
J'apprends à écrire de la main gauche.
Les fraises sont mûres....Chaque être humain est un profond mystère, et il suffit qu'il plonge en soi de façon honnête et décrive ses impressions et ses états d'âme et c'est intéressant.
Cette vie n'est que temporelle... Dans l'Evangile il n'est pas question des couleurs...
L'homme-qui-n'est-personne ( E.S.) dit que, entant qu'homme-moi, nous sommes infiniment malheureux, jusqu'à la mort, et que c'est la raison pour laquelle on ne peut vivre ne paix qu'en étant mort avant la mort.
Est-ce notre faute si nous sommes devenus en quelque sorte des dégénérés?
Est-ce ma faute su j'ai choisi d'être orphelin?
A mon avis la mal n'est pas inné, le bien si.
Vivre est une chose très dangereuse.


Un jour, il y a de cela longtemps, quand j'étais encore Edward Stachura, je me suis dit que l'homme vit trop longtemps.
Maman parle à ses poules et ses lapins, et le fait que les bêtes ne lui répondent pas ne la gène pas.


La chaumière où nous habitons tombe en ruine...."Elle me survivra", dit maman en riant.`Voilà la façon de parler de quelqu'un qui est résigné au monde, à la vie et à lamort. Apprends cet art de vivre, me dis-je.
Sur un homme bien portant l'hôpital produit un effet déprimant; sur un malade, un effet réconfortant.
Je pense que les gens sains d'esprit sont très rares.
Un fou ne sait pas qu'il est fou ; à ses yeux il n'est donc pas fou. J'en ai vu beaucoup.


Est-i possible de trouver cette paix suprême, cette union avec l'Inconnu, déjà dans cette vie?
Est-il possible de se barrer la route en posant la question ainsi. Que signifie se résigner au monde?
Se barrer de la route?
Je cherche ma place sur cette terre que j'ai tant célébrée, et je ne parviens pas à la trouver, je n'y parviens pas alors même que je le voudrais tant.


J'ai apporté le texte de VOILà à la rédaction de Tworczos. Je l'ai signé de mon nom, bien que je ne sois plus celui qui l'a écrit, ni celui à qui il a été dicté.
Je ne suis plus de ce monde. Le seul espoir en moi c'est de m'unir à l'Inconnu.


Qui est maître de la place? Qui suis-je? Je me sens comme le fils maudit.


Non que je m'associe à la totalité de ce qu'énonce E.S. mais son extrême vibration de sensibilité,
la justesse sans fioritures des question posées me sont allées droit au corps.











19 mai 2012

Lettre à ceux qui restent d'Edward Stachura,

Je meurs
pour mes fautes et pour mon innocence
pour le manque que je ressens dans chaque particule
                     de mon corps et dans chaque particule de mon âme
pour le manque qui me déchire en morceaux comme un
                                                                         journal
plein de mots tapageurs qui ne veulent rien dire

Le 24 juillet. Edward Stachura se pendait dans son appartement de Varsovie, laissant sur la table
un ultime poème: "List di pozotalych" ( lettre à ceux qui restent).  qui commence par le poème ci-dessus.