11 août 2015

Un peuple

Un peuple
Stéphane Bouquet
Champ Vallon, 12 €



Je passe mon été aux côtés de Stéphane Bouquet qui ne le sait sûrement pas. Nos Amériques, Les Amours suivants, Les oiseaux favorables  posés près de mon lit, sur une table de chevet qui est un tabouret de cuisine. Aujourd’hui, j’ai envie de parler d’Un peuple, assemblée de poètes anglais, américains, grecs, portugais, allemands, latins qui surgissent et disparaissent, ricochent et échouent un moment entre les pages du livre.  

« Je deviens le simple reflet de tout un monde prononcé jadis . »

Walt Whitman, vieil homme barbu, assis devant un fleuve, Henry David Thoreau, les manches retroussées,… fait le tour de l’étang, Wallace Stevens, tranquille et cravaté, Emily Dickinson, Virginia Woolf et Mrs Dalloway, Quentin Compson, Fernando Pessoa, John Keats…
Stéphane Bouquet  parle de ce peuple de poètes qui l’émeut, le touche au sens propre comme au sens figuré, c’est toujours  de lui dont il parle et du désir qui constitue le cœur de ses livres, de la mort, de la mélancolie quand celle-ci est l’enfant de Saturne. Fragment de Sapho qui chante
…chevrier… désir… sueur…
rose…
…je dis…
texte que le temps a tronqué mais qui dit « juste », comme une note est juste, l’amour, le désir, le corps…

« Ainsi une anthologie offre des possibilités multiples d’intersections », Stéphane Bouquet nous mène de l’un à l’autre pour revenir ensuite et nous le suivons ébloui, dans ce cimetière.
« Il se demande ce qu’est la poésie. Il se sert dans les morts pour élaborer des réponses. »

Entre les tombes, des poèmes qui parlent «  des choses qui passent, du grand défilé interminable. »

« Un peuple : il vient de se glisser tout entier sous la couette
pour se protéger du froid, qu’est-ce que ?
est la question du contact de coton
blanc des draps sur le visage… »

Pour finir, Keats, « mon ami très cher » qui fit inscrire sur sa tombe :
Here lies one whose name was written on water / Ci-gît quelqu’un dont le nom fut écrit sur de l’eau  et Stéphane Bouquet conclut : « D’une certaine façon, un être est un jeu passager de la lumière et du courant, ensuite il rejoint l’eau anonyme, ensuite se réalise le cher vœu keatsien, notre cher vœu  commun : to fade away, to dissolve, s’effacer, s’évanouir. »
Un livre qui ouvre la porte d’une bibliothèque qui n’attend plus que nous…


Catherine Tourné