13 mars 2010

LITTORAL de et mis en scène par Wadji Mouawad




Pendant que le tout Paris s’ennuie à observer une de nos plus grandes stars se la jouer cinéma dans un des plus beaux théâtres de la rive gauche, d’autres, certes moins nombreux mais sans doute plus heureux, empruntent un « tramway » bien plus excitant qui les transportent en banlieue assister à un jeu avec le cinéma autrement plus joyeux.

Littoral, de et mis en scène par Wajdi Mouawad, au théâtre 71 de Malakoff, est un de ces spectacles d’où l’on ressort régénéré, et rassuré un peu aussi que nos jeunes adolescents se lèvent pour applaudir la troupe qui pendant 2h40 ne cesse de rappeler que nous pouvons encore participer, ensemble, à ce grand jeu qu’est le théâtre. Cette pièce utilise le procédé du film dans le théâtre, le spectateur ne sait plus, ce qui est fiction et ce qui est fiction dans la fiction. La distance de la mise en abyme s’opère pour rien, simplement pour le plaisir d’être là à écouter la poésie mouawadienne et à regarder l’énergie incroyable déployée par les acteurs.

De l’histoire, nous aurons seulement retenu qu’un jeune homme se retrouve un beau matin avec le cadavre de son père à enterrer. Où ? Comment ? Là est la question. Dans son pays d’origine. Après s’y être rendu, il rencontre d’autres personnages qui ont eux aussi des cadavres à enterrer, des histoires à raconter, des guerres à exorciser. Petit à petit, la troupe se forme, et chacun raconte son histoire, émouvante, bouleversante. Le père ne sera enterré, ou plutôt « emmeré », qu’au moment où le spectacle se termine.

En attendant le cadavre devient fantôme. Il parle, rit, pleure, râle, soupire, se maquille parce que le temps passe et qu’il commence à pourrir. Il rencontre même un chevalier, nom donné à un autre personnage, avec lequel il joue un duo comique et tendre à la fois, surréaliste et détonnant. Point de discours sur la mort, l’au-delà, le deuil ou la psychologie familiale. Non, ce fantôme ne représente rien, ne délivre aucun discours sur, il est, présent et joueur.
Comme tous nos fantômes théâtraux contemporains, c’est un personnage qui crée le lien entre les acteurs et les spectateurs, un personnage qui dit le théâtre en train de se faire et nous rappelle sans cesse que nous sommes tous là pour jouer et jouir de ce jeu.

Mouawad, avec son fantôme de Littoral, brise le quatrième mur, il rethéâtralise le théâtre et à ceux qui n’avaient plus qu’Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Stanislas Nordey et Pina Bausch pour se réjouir d’une sortie au spectacle, il réinsuffle la vie à nos mains sclérosées de ne plus pouvoir applaudir aux spectacles accablants qui remplissent nos salles.

Oublions que Mouawad  a signé l’adaptation de l’affligeant Tramway et réjouissons-nous que ce même théâtre de l’Odéon l’accueille pour son prochain spectacle, Ciels

                                                                                                   Pierre Katuszewski