Ce petit livre, publié chez HARPO &, est un bijou. Par sa forme, petit carnet quadrillé sur lequel le texte est comme tamponné, par son contenu, phrases sibyllines qui décrivent sans avoir l’air d’y toucher, les difficultés à vivre et à boucler ses fins de mois.
J’aime le travail de Fabienne Yvert découvert à travers ROSE ET MADELEINE, puis retrouvé dans OUVRAGE/ OUTRAGE, et surtout PAPA PART, MAMAN MENT, MAMIE MEURT tous publiés chez Harpo &.
Ces textes tournaient autour de la famille, textes drôles et terribles, dans lesquels le quotidien devient révélateur, matière sensible et jubilatoire. A travers les objets de tous les jours, Fabienne Yvert livre une image juste des situations familiales ou, comme ici, des déboires face à une société qui laisse peu de place à ceux qui sont « trop con(s) », « trop fragile(s) ». Situations prosaïques mais révélatrices. On pense à ces artistes plasticiens ou plutôt plasticiennes car il s’agit de femmes, qui, accumulant débris, traces, objets, chiffons montrent, entre connivence et révolte, la nature humaine.
même / la maison des artistes / considère que mon /travail est devenu / hors champ depuis que / j’ai demandé mon / affiliation au régime / des artistes auteurs /
j’avais qu’à rester/ assujettie / payer mes cotisation / sans bénéficier de rien
je suis un / mauvais sujet
Précarité, « mal d’être », sujets graves mais traités avec une légèreté ironique et douloureuse, un ton que l’on retrouve dans tous les livres de Fabienne Yvert , violence polie, agressivité tendre, comme une petite fille qui dit une vérité qu’on préfèrerait ignorer mais qui le dit si justement qu’on l’entend.
sous mon parapluie
à manger mon gâteau
je me sentais très bien
comme s’il faisait beau
C.T.