26 janvier 2012

Duch, le maître des forges de l'enfer, de Rithy Panh

Comment dire, ceux qui ont vu le film S21 sur ce camp qu'a dirigé Duch ne reviennent pas volontiers sur le sujet tant ce film inouï a été un coup de tonnerre définitif.

Les péripéties contradictoires du procès public intenté à Duch m'ont conduit à décider, malgré tout, d'aller voir ce film consacré à "Duch, le maître des forges de l'enfer" par le même réalisateur Rithy Panh. La deuxième partie du titre indiquant clairement qu'il ne s'agit pas
d'une hagiographie. Encore que...ce soit plutôt un plaidoyer à décharge.

J'ai bien de la peine à parler de ce film qui m'a plongé dans un abîme de perplexité.
Nous ne sommes pas de taille - et ceci inclus Rithy Panh lui-même - à affronter une telle intelligence de tortionnaire avéré, expérimenté, averti, Duch expert, grand manipulateur pour qui chaque séance de torture était un combat personnel contre un prisonnier que l'on DEVAIT faire parler par tous les moyens possibles mais inflexiblement sans aucun répit ni rémission jusqu'à ce qu'il confesse ses fautes déjà certaines.
L'orient et sa finesse impassible nous laissent désemparés avec nos questions, nos positions de principes, nos interrogations, notre morale occidentale...
Duch nous possède, nous tient à sa main du fond de sa prison où il ne purge que "35" années de réclusion il a l'air plus libre que nous, plus sage, car il détient, lui, la vérité de son histoire et puis il vit, il est toujours vivant, lui.

Il a été le Maître chanteur de ce monde là, son simple paraphe a "exterritorialisé"des milliers de vies.
D'abord interroger le prisonnier ( qui est là car c'est un ennemi du peuple), le faire parler par la torture en général, puis le faire disparaître ( sans cri si possible), puis effacer toute trace, tout est là...
En dehors de ses dents gâtées, Duch va très bien merci. Il mange lentement, il mâche tranquillement, il digère, fait de l'exercice physique, lit, communie et parle.
Dans la religion bouddhiste le karma d'un homme est le reflet de sa vie alors Duch, averti, s'est converti au catholicisme car avec cette religion là si tu exprimes un repentir sincère tu es absout, tu es pardonné. Fallait y penser...
Il est assez désespérant d'avoir à écrire cela, ça vous a un côté revanchard mais tout de même.
Non, tous les humains ne sont pas du même bois, de la même essence. Ce que sous entend le film c'est que Duch est un homme comme nous. IL est humain et à ce titre notre semblable.
Bon d'accord et alors! Il est certes humain, sympathique même, il a obéi à ses chefs, il y croyait
à cette idéologie mortifère... comme à présent il croit sans doute en Jésus, cependant il ne faut pas souhaiter qu'il soit notre semblable. Lorsque j'ai distingué dans son regard cette lumière inexpugnable de contentement d'avoir été le maître de la vie et de la mort, d'avoir fait ce qu'il avait à faire, j'en ai conçu qu'il n'y aurait pas de véritable catharsis chez ce pèlerin là. Il maintiendrait son point de vue et les enfants, les mères, le hommes et les femmes innombrables dont il a scellé la mort, à coups de gourdin ne souhaiteraient sans doute pas qu'il y ait à son égard excès de mansuétude ou geste d'humanité abusif.

Si ceux que j'ai fait souffrir me pardonnent, dit Duch, je me prosternerai devant eux mais s'ils refusent s'ils ne me pardonnent pas, tant pis, j'ai fait ce que j'ai fait c'est comme ça.

Effroi de se rendre compte que la vie est sans morale . Il y a les vivants et il ya les morts, les morts ne sont plus là pour hurler.
Non, il n'est pas acceptable que le tortionnaire Duch soit un homme...

P de B