« Je ne », je ne peux parler, je ne peux dire, je n’ai pas les mots, je n’ai plus d’histoire, je n’existe pas ou plus, ailleurs peut-être…
Le texte d’Antoine Emaz parle de cet autre, celui qu’on rencontre parfois, l’étranger, l’immigré, le « visage comme retourné dedans », celui qui « n’existe pas dans cette langue », expérience du néant, du silence, « vie sans éclat/ ni vague ni bruit vie/ close comme bouche » dont le visage seul traduit la douleur, le vertige.
Et de cette impossibilité surgit la violence de celui qui ne peut parler, de celui qui ne sait comprendre, révolte. Le manque de mots ouvre sur l’abîme et « seulement la peur d’être là/ sans lieu/ à tort ».
Ecriture syncopée, hachée, articles escamotés, violence d’une langue française devenue soudain un peu étrangère.
Comme toujours aux Editions En Forêt/ Verlag im Wald « Je ne » est publié en plusieurs langues, ici le français, l’arabe et l’allemand. Et nous faisons à notre tour l’expérience de l’incompréhensible face à cette écriture arabe si différente, et « nous ne » pouvons lire.
"Je ne"
Antoine Emaz
Editions En Forêt /Verlag im Wald
Collection Sentiers
5 euros
C.T.