30 mars 2010

LA POESIE DE NICOLAS DIETERLE

« La seule chose qui soit en notre pouvoir est de ne pas altérer la voix de la vie qui résonne en nous ». Boris Pasternak.
Nicolas Dieterlé aurait pu écrire cette phrase. Même simplicité. Même attention à l’intériorité. Et ce mot de résonance qui lui convient si bien. Les livres nous parviennent par des chemins détournés…
Les lecteurs sont des colporteurs de découvertes. Une lectrice, à qui je parlais de Roger Munier, a évoqué Nicolas Dieterlé et ses deux recueils publiés chez Arfuyen : « Ici pépie le cœur de l’oiseau-mouche » et « l’Aile pourpre », avec un enthousiasme qui a éveillé ma curiosité… Philippe Jaccottet fut le passeur des textes retrouvés (jamais publiés de son vivant) et Gérard Pfister l’éditeur.
Nommer Philippe Jaccottet c’est déjà indiquer une parenté…
On pourrait également citer Thoreau… Une même exigence d’authenticité les anime, langue précise et simple qui fuit l’ostentation, l’esbroufe ou le pathos.
La quête de la présence au monde passe aussi chez Dieterlé par le dessin et la peinture. Elle requiert une intensité et une rigueur qui ne transige pas avec l’à peu près…
L’oiseau (souvent la tourterelle), l’eau (qu’elle soit du ruisseau ou du caniveau), l’arbre, la neige, la pluie, le nuage, constituent la palette des mots avec laquelle il compose. Le même paysage, décrit à plusieurs reprises, change suivant l’incidence de la lumière ou des sentiments, à la manière des impressionnistes.
On pourrait aussi bien parler de variations musicales autour d’un thème.
La révélation est au cœur de l’œuvre ; l’être se révèle dans la contemplation de ce qu’il voit, écoute ou sent…
La figure de Novalis, dont il avait le projet d’écrire la biographie, apparaît en filigrane…
À travers l’œuvre on perçoit une nostalgie et une douleur sourde, peut-être annonciatrice de son suicide, survenu prématurément à trente-sept ans…
« Mais l’eau des caniveaux, elle, si humble soit son origine, glisse heureuse et anonyme »
« J’ai supprimé le point final devant chacune de mes phrases pour que rien n’arrête la suspension mouvante, grisée, à la fois funambulesque et précise de mes mots alignés
Amoureusement liés, ils forment une lente fumée bleue qui se dissipe et se renouvelle sans cesse »
« J’étais à ce point du chemin où, la fatigue et le désespoir s’abattant sur le voyageur, il ne peut plus avancer que dans la nudité »

Pascal Hecker